de Virginia Woolf
"Les préparatifs d'une soirée, l'errance
mentale d'un personnage énigmatique... C'est sur ces rares éléments d'intrigue
que repose le récit d'une journée dans la vie de Clarissa Dalloway. Dans sa
première oeuvre véritablement moderniste, Virginia Woolf rompt définitivement
avec les formes traditionnelles du roman. Les souvenirs (ceux de Peter Walsh
l'amour d'autrefois, de Sally Seaton l'amie de jeunesse) ressurgissent au gré
de tout un réseau d'impressions et de sensations propres à l'héroïne, qui
elle-même est vue à travers les yeux d'une myriade d'autres personnages (sa
fille, Peter lui-même) qui traversent cette journée rythmée par le carillon de
Big Ben, seul élément objectif qui demeure dans ce tableau impressionniste.
", Mrs Dalloway, édition Folio
Classique
Mrs Dalloway :
"Une révélation ! Un chef d'œuvre !", diront certains. D'autres d'un "livre de rien". L'œuvre de
Virginia Woolf marque la littérature britannique pour sa singularité ; après
les vers shakespeariens, les peintures réalistes de Charles Dickens ou l'ironie
lumineuse des romances de Jane Austen : Mrs Dalloway dévoile l'intériorité
d'une vie sur une journée.
Juin 1923.
Londres. Les années folles semblent inconnues. Clarissa, Mrs Dalloway, riche
femme de cinquante ans, nous ouvre le coffre de ses émotions le temps d'une
journée et partage avec le lecteur la préparation d'une de ses soirées mondaines, interrompue par des visites, des
rencontres inattendues ou le sursaut de moments passés. Plus qu'une histoire
singulière, c'est le quotidien d'une femme dans la société et dans le mariage
qui nous est conté. Big Ben sonne et un défilé de portraits s'offre à nous : le
lecteur se promène d'âmes en âmes. Les points de vues se succèdent, les
sentiments s'égrènent. C'est un tourbillon de pensées contraires, de souvenirs
qui s'entrechoquent et dansent ensembles. Véritable éclat en matière de
psychologie, ce roman délivre des
perceptions du monde et d'autrui très différentes.
Accepter
d'entrer dans l'esprit d'un des protagonistes c'est accepter la difficulté de
la pensée humaine. Lire Mrs Dalloway peut se révéler être une épreuve ardue :
il est nécessaire de lâcher prise, de ne pas s'attacher au sens des mots mais
plutôt d'aborder le texte comme un flux de mots, un envol libre et discontinu
de l'esprit. Virginia Woolf prend même le risque d'immortaliser la folie -
cicatrice invisible et irréversible de la guerre - : la décrire par les mots et
par les images fantasmatiques qui obscurcissent la réalité.
Œuvre de
psychologie et non d'action, le mouvement intérieur de l'âme s'oppose toujours
à l'immobilité de la routine de l'individu et le goût amer d'un temps passé.
Oui le passé de Clarissa est évoqué, de même que sa situation amoureuse,
familiale ou parentale. Cependant les sentiments priment toujours : et c'est
avec une grande délicatesse, une poésie, une récurrence des images et des
métaphores que l'auteur caractérise l'indicible. Elle rend vivant et
compréhensible ces émotions qu'on juge inexplicables.
Cette œuvre
mérite qu'on s'y attarde : une lecture ne me paraît pas suffisante face à la
complexité et la richesse de ce texte. Ce livre est à lire en une fois
c'est-à-dire faire de sa journée celle de ce juin 1923. Ne pas interrompre sa
lecture permet de saisir le mieux possible ce déferlement infernal et
inépuisable de la pensée. D'où l'absence
de segmentation ou de délimitation dans le récit.
Pour conclure, Mrs Dalloway a signé un
nouveau tournant dans la littérature britannique. L'action s'éclipse pendant
que Virginia Woolf perce les secrets de l'âme humaine pour présenter un récit
psychologique inédit, tout en portant un regard nouveau sur l'Homme et le monde
!
Gwendoline