2018

Sept jours pour survivre

02:04

de Nathalie Bernard


« Nita, une adolescente amérindienne est kidnappée à Montréal et se réveille dans une cabane perdue au cÅ“ur de la foret canadienne enneigée. Qui l'a emmenée ici et pourquoi ? Une chose est sûre : c'est seule qu'elle devra affronter les pires prédateurs. Du côté des enquêteurs, les indices sont rares. Une course contre la montre s'engage. Nita a sept jours pour survivre. », Sept jours pour survivre, édition Thierry Magnier

Un frisson glisse sur la peau. Les muscles se contractent. Le corps s’accroche aux vêtements qui le protègent du froid. Accélérer le pas. La porte claque. Une chaleur douce enlace cette silhouette glacée. Un chocolat chaud fume. Construire sa tanière sous un plaid. Ouvrir Sept jours pour survivre. Soudain tout est blanc, froid, mort. Un silence sourd. Les animaux sont tapis sous terre. Une cabane en bois, brimbalante, se drape d’un manteau cristallisé. Une brise d’air glaciale mord la petite ombre couchée sur le squelette d’un vieux matelas. Une âme tremble de peur, tremble de froid. Nita. Une adolescence amérindienne. Passionnée de photographie. Enlevée à son cocon familial le jour de son anniversaire. Séquestrée par un dérangé. Emprisonnée dans une vieille cabane. Une minuscule empreinte humaine dans une mer d’arbres. Dans cette forêt, Nita se retrouve seule : seule contre son ravisseur, seule contre les éléments naturels, seule contre elle-même.

J’ai vécu une soirée angoissante et glaçante. Une nuit pour découvrir Nita. Son combat pour survivre. Une lutte physique et mentale. Ce thriller m’a transportée à Montréal dans cette prison d’hiver. Nathalie Bernard immerge son lecteur dans sa fiction : ses mots vous capturent dès les premières pages ; ils s’emparent de vos émotions. Angoisse. Suspense. Le sablier est tourné. Les jours s’égrainent. Chaque jour : une nouvelle épreuve. Et deux ultimatums : vivre ou mourir. Dans le récit, l’auteur décrit les grands espaces, la richesse de la Nature, sa beauté imperturbable et cruelle face à notre toute petite présence humaine. Des paysages grandioses ont soufflé sur le papier : autant fascinants que terrifiants ! Des bulles d’airs nous libèrent de cette tension. Le narrateur s’engouffre sous les uniformes des enquêteurs. Un duo acharné. Déterminé à retrouver la jeune fille en vie. Plusieurs panoramas s’enchaînent : comprendre l’environnement familial de Nita, relier sa disparition à d’autres cas similaires et démasquer le coupable. Plus qu’un thriller, ce roman est un écho à un pan oublié de l’Histoire : la condition des Amérindiens, le respect de leur culture au Canada au cours du XXe siècle, et, la violence faite aux femmes autochtones.

Sept jours pour survivre : la promesse d’un roman initiatique, d’un thriller glaçant et d’une découverte culturelle. Le roman d’une nuit pour frissonner et comprendre la signification du mot « survivre ».

★    

Gwendoline

2018

La voleuse de livres

09:04

de Markus Zusak


« Leur heure venue, bien peu sont ceux qui peuvent échapper à la Mort. Et, parmi eux, plus rares encore, ceux qui réussissent à éveiller Sa curiosité. Liesel Meminger y est parvenu. Trois fois cette fillette a croisé la Mort et trois fois la Mort s'est arrêtée. Est-ce son destin d'orpheline dans l'Allemagne nazie qui lui a valu cet intérêt inhabituel ? Ou bien sa force extraordinaire face aux événements ? Au moins que ce ne soit son secret...  Celui qui l'a aidée à survivre. Celui qui a même inspiré à la Mort ce si joli surnom : la Voleuse de livres. », La Voleuse de Livres, édition Pocket

Une odeur de feu. Des cendres volent, aussi lumineuses que des lucioles, aussi piquantes qu’un serpent. Elles s’échouent sur les pavés. Maintenant froides et poussières, elles marquent de noir peau et habits. En fond, des bruits lourds ricochent sur les murs : des bombes tombent. Des drapeaux nazis se balancent silencieusement au bord des fenêtres, les rues gardent le souvenir des pieds fatigués et des âmes squelettiques qui ont traversé la ville comme des trophées ou des avertissements pour le peuple allemand. Sur la place, une lueur rougeâtre éclaire la nuit : le papier brûle, des bibliothèques entières se métamorphosent en milliers de particules étouffantes et insignifiantes. Elles emportent avec elle : le savoir et la liberté de l’esprit. Une ombre s’éloigne furtivement de cette montagne ardente. De de la fumée s’échappe de son manteau : une vive chaleur mordille sa peau, mais ce n’est rien comparé à la flamme qui lui tiraille les entrailles : sauver un livre du feu, désobéir aux ordres, et surtout au Führer. Cette petite silhouette se prénomme Liesel, une jeune orpheline allemande, recueillie par une peintre joueur d’accordéon au grand cÅ“ur et son épouse qui cache ses émotions derrière des airs de marâtre. Pour Liesel, c’est une nouvelle famille et une nouvelle vie qui se présentent à elle dans un monde où la puissance d’Hitler terrifie l’Europe. Le monde s’effrite, s’approche du chaos cependant au bord de la falaise une lumière à peine visible se dessine dans le brouillard. Malgré les intimidations, les restrictions, les défilés militaires et les parades humiliantes des prisonniers juifs dans la ville, une chose persiste : les mots. Des mots plus forts que les armes. Une leçon que retiendra Liesel toute sa vie. C’est dans cette atmosphère terrifiante et incertaine qu’elle découvre la lecture. Un vol anodin et spontané scelle à jamais l’union de la fillette avec les mots : des mots qui  élargissent l’esprit, des mots, symboles de fraternité, pour résister contre l’oppression et l’intolérance. Des mots qu’elle sauve des flammes et qui la sauvent en retour. Telle est l’histoire de la Voleuse de Livres.

Depuis bien longtemps j’avais été intrigué par ce titre et cette dénomination : « voleuse de livres ». Magnifique et mystérieux. Avant de tourner les pages de ce roman, j’ignorais complètement que j’allais me prendre une claque. Une belle claque pour terminer l’année 2017. Une sensation finement douloureuse et pourtant révélatrice. On ferme le roman tout étourdi et envahi d’un sentiment beau et douloureux. Mon expérience de lecture s’est révélée aussi puissante et bouleversante qu’une gifle. La Voleuse de Livre ne s’oublie pas. On s’en souvient pour sa peinture à la fois cruelle, injuste, véritable et belle de la vie. Elle illustre les conséquences d’un monde noyé dans le totalitarisme. J’ai terminé ce livre la gorge nouée,  les milliers d’émotions qui m’ont assaillie lors des derniers chapitres –révolte, haine, pitié, tristesse, apaisement- m’ont complètement sonnées. Parler de mon ressenti,  de mes sentiments est peut-être trop abstrait, trop maladroit pour une chronique littéraire, pourtant il m’est impossible de ne pas le partager. Mon ton est peut-être trop dramatique mais je n’ai jamais été autant secouée par un livre, jamais. Oh et puis tant pis pour les surplus de « peut-être » et de « trop », car pour moi la Voleuse de Livres se vit plus qu’il ne se lit. L’expérience de lecture est une étape clé dans la réception de cette Å“uvre. Ce roman fait vivre émotionnellement beaucoup choses et je trouve cela indispensable de le mentionner.

L’émotion est toujours là, présente. Même glacée et dissimulée sous l’enveloppe sèche de la Mort. L’histoire de Liesel est entrecroisée avec une narratrice tout à fait inédite : la Mort elle-même, qui voit les champs de batailles se transformer en mare de sang, et les corps épuisés pousser leur dernier souffle face contre terre. Le ton de ce personnage est froid, neutre, imperturbable. Ce choix narratif m’a dérouté et mêlé au style de Markus Zusak j’ai dû attendre les cents pages pour entrer pleinement dans le récit et ne pas le lâcher. Donner la voix du narrateur à la Mort m’a d’abord mise à distance avec le texte, j’avais l’impression d’être aussi insensible qu’elle à l’égard des personnages, que sa froideur empêchait toute empathie pour Liesel et ses proches. Puis, le récit avance, le style de l’auteur se déroule plus facilement dans mon esprit, et cette froideur de la Mort, qui fait écho à la barbarie d’une société totalitaire, se dissipe quand les livres s’invitent dans le quotidien de Liesel. Soudain, des couleurs apparaissent, des rires, de l’amitié, de la solidarité, et une vague d’espoir éclatent au creux des pages –lues par Liesel et par nous, lecteur devant ce récit- . Et enfin un lien se tisse avec le roman et ses héros.


La Voleuse de Livres est un petit chef d’Å“uvre, un roman intemporel, ancré dans un fond historique qui illustre magnifiquement bien le pouvoir des mots et de l’écriture.  Qui aurait cru qu’une fillette cachant un livre contre sa poitrine serait une image de liberté et de résistance, cette petite lumière d’espoir qui traverse le brouillard épais de la guerre ? 

 COUP DE COEUR

Gwendoline

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