de John Throne, John Tiffany et J.K Rowling
« Être Harry Potter n’a jamais été facile et
ne l’est pas davantage depuis qu’il est un employé surmené du Ministère de la
Magie, marié et père de trois enfants. Tandis que Harry se débat avec un passé
qui refuse de le laisser en paix, son plus jeune fils, Albus Severus, doit
lutter avec le poids d’un héritage familial dont il n’a jamais voulu. Le destin
vient fusionner passé et présent. Père et fils se retrouvent face à une dure
vérité : parfois, les ténèbres surviennent des endroits les plus inattendus. »,
Harry Potter et l’Enfant Maudit, édition Gallimard
Laissez le Hedwig’s Theme résonner dans vos
tympans. N’oubliez pas votre baguette et votre robe de sorcier. Préparez
soigneusement votre valise pour la rentrée. Sur le quai 9/ ¾ embarquez dans le Poudlard Express, toujours
resplendissant 19 ans plus tard. 19 après la bataille de Poudlard. Notre trio a
vieilli, nous aussi. Le récit s’ouvre sur le prologue laissé par J.K Rowling
dans Harry Potter et Les Reliques de la
Mort en 2007. Harry, Ron et Hermione disparaissent sur le quai. Poudlard
ouvre ses portes à Albus Severus Potter, le deuxième fils d’Harry. Un garçon
timide, grognon et renfermé qui peine à trouver sa place et pense que porter le
nom de Potter est un fardeau. Être le fils de l’Elu engendre certaines pressions.
Albus va se lier d’amitié avec Scorpius, l’unique fils de Draco Malefoy. Tous
deux subissent le jugement des autres suite à l’identité de leurs parents et
ils vont volontairement s’embarquer dans une histoire de temps pour défier
leurs pères respectifs, mais n’ont-ils pas sous-estimé les conséquences de
leurs actes ….
J’ai préféré
attendre un peu avant de vous donner mon avis, prendre du temps pour mieux vous
parler de cette lecture. Harry Potter et
l’Enfant Maudit ne pouvait échapper à l’engouement des fans, dont le mien,
même si je refuse d’associer cette histoire à un huitième tome. Selon moi,
Harry Potter se clôt à la fin des Reliques
de la Mort. Je définis plus cette pièce comme un extra, un bonus. Il ne
faut pas oublier que J.K Rowling n’est pas l’auteur principal, c’est le
scénariste Jack Thorne qui est le créateur de cette histoire. Cette indication
peut expliquer certaines critiques qui ont été dites.
Harry Potter et l’Enfant Maudit est une
pièce de théâtre alors il est évident que ce texte ne possède pas les mêmes
caractéristiques d’un roman et qu’il se détache des Å“uvres de J.K Rowling.
L’action se succède à un rythme haletant ; le détail et la psychologie des
personnages sont évincés. Pourtant je suis certaine que le rapport que le
lecteur entretient avec la pièce et les personnages est complètement différent
lorsqu’il devient spectateur. Je pense que la représentation théâtrale est
nécessaire en complément de la lecture –avoir une place est un peu comme
trouver une invitation pour la chocolaterie de Willy Wonka-. Au-delà du texte,
se cache une partie indicible et invisible qui complète l’histoire : la
mise en scène, l’interprétation des acteurs –notamment l’importance accordée
aux expressions du visage, Ã la gestuelle ou au ton de voix-, les effets de
lumières, les costumes et la musique
sont des facteurs influençables sur la perception et réception de l’Å“uvre. Le
support théâtral –ce support initial- pourrait expliquer quelques incohérences
déplaisantes : une fabrication improbable du Polynectar, une
représentation de Poudlard qui se limite aux élèves de Gryffondor et Serpentard
ou même le portrait presque caricatural fait de Ron Weasley réduit à son côté
gauche et bouffon (dans le sens comique du terme). C’est pourquoi, pour tenter
d’avoir une approche juste de cette lecture, il faut comprendre le format
inédit de ce texte.
Pour revenir Ã
l’intrigue elle-même, elle se concentre sur un seul enfant d’Harry, Albus
Severus Potter. Ce deuxième garçon supporte mal la renommée de son père et les effets
que son statut produit. Albus est un adolescent maladroit, colérique et
solitaire : aussi perdu que le jeune Harry dans l’Ordre du Phénix. De scènes en scènes, il ne cesse de s’éloigner
de son père et de prendre le contrepied du rôle dans lequel on voulait l’enfermer.
Ce mal être engendré par cette différence l’amène à rencontrer Scorpius.
Scorpius donne un vent de fraîcheur à ce texte et contredit cette étiquette de « méchant »
qu’on collait à la famille Malefoy. Le jeune serpentard porte sur ses épaules
le poids de son nom et les rumeurs qui détruisent ses proches. C’est un jeune
garçon amical, doux et un peu peureux. Plus que la trame narrative, j’ai
beaucoup aimé cette amitié qui réconcilie des anciennes rivalités. La limite
entre bon et mauvais paraît moins évidente. Ces nouveaux héros sont le point
fort de cette histoire : ils sont aussi particuliers et originaux que le
trio l’était à l’époque, et un goût pour
l’aventure anime ces jeunes élèves qui défient les règles pour s’affirmer. En
plus d’un éloge sur l’amitié, ce texte illustre aussi la relation filiale entre
un père et son fils et sa complexité : c’est une confrontation entre deux
générations.
Concernant les
péripéties, Jack Thorne offre un début prometteur et innovant tout en
nourrissant son récit d’éléments, des objets ou des scènes clés présents dans
les romans de J.K Rowling. Cette pièce ne cherche pas une originalité mais elle
rend hommage à cette saga en faisant plusieurs clins d’Å“il aux romans. Même certaines expressions orales semblent
tirées du l’Å“uvre littéraire. Harry
Potter et l’Enfant Maudit vise donc les fans du sorcier à lunettes et joue
avec la nostalgie de cet univers grâce à un concept de « déjà vu ».
Certes, on est émerveillés et heureux de replonger dans ce monde si familier,
mais ces rappels n’empêchent pas les nombreuses discordances de l’intrigue.
L’évolution
des événements scéniques et des personnages reste l’ombre du récit. L’action,
les réactions et la manière dont sont décrits les héros chers à notre cÅ“ur m’ont
parfois semblé irréalistes et éloignées de la conception que l’on a d’Harry,
Ron et Hermione, des personnages que l’on a suivis pendant des années. Par
exemple, j’ai relevé quelques épisodes qui m’ont assez déplu sur le trio :
la représentation du couple Ron et Hermione se veut très démonstrative, « gnangnan »
et cela mène à des moments que j’ai trouvé inadéquates avec cet amour pudique
et discret qui naît au fil de sept
tomes, ou des propos très durs tenus par Harry à son fils ou encore une scène
au Ministère de la Magie qui discrédite complètement le pouvoir et l’intelligence
d’Hermione – souvent décrite comme une des sorcières les plus intelligente de
sa génération-. A cela je pourrai aussi ajouter des rapports entre nos anciens
héros et leurs anciens professeurs parfois trop décalés.
Cependant le
non-sens le plus total demeure dans le titre. Cette version inédite autour de l’ «
Enfant Maudit » me paraît insensée. Certainement la fin est surprenante
mai invraisemblable. Et ce choix d’interprétation marque bien une différence
entre le récit de Jack Throne et les œuvres initiales de J.K Rowling. Si tu
n’as pas encore lu le texte, je te conseille de t’arrêter là , car même si je ne citerai aucun nom, je
préfère ne pas dévoiler implicitement le dénouement. SI on s’appuie sur
le portrait fait de ce protagoniste par J.K Rowling, il est irréaliste qu’un
tel être ait pu avoir un enfant. Cet être est dénué d’amour, d’émotion et l’unique
once d’amour qu’il pourrait avoir ne serait qu’envers lui-même. Il n’a jamais
rien cherché d’autre que l’immortalité et le pouvoir. Je ne pense pas non plus
à une procréation à visée intéressée puisque il ne cherchait que la propre
survie de son corps dans le temps. Son corps et non son sang. Alors cette
perspective me paraît impossible, tout sachant que c’est un personnage
uniquement centré sur lui-même.
Par
conséquent, cette lecture me laisse perplexe : je suis déchirée entre la
joie d’avoir retrouvée un monde magique avec des héros inédits et attachants et
un sentiment de déception suite à des personnages initiaux méconnaissables et
un dénouement incohérent. Face à cette contradiction s’ajoute la sensation d’une
histoire incomplète. Derrière ce texte inanimé et stoïque, se cache tout en travail de représentation
que l’on ignore et qui pourtant doit être majeur dans la réception de cette Å“uvre.
Harry Potter et l’Enfant est un beau récit
d’amitié et de fraternité entre un père et son fils malgré des invraisemblances
et une représentation assez spécifique du trio mythique. Ce texte ne demande qu’Ã
être vu sur les planches.