de Clémentine Beauvais
« Quand Tatiana rencontre Eugène, elle
a 14 ans, il en a 17 ; c'est l'été, et il n'a rien d'autre à faire que de lui
parler. Il est sûr de lui, charmant et plein d'ennui, et elle timide, idéaliste
et romantique. Inévitablement, elle tombe amoureuse, et lui, semblerait-il,
aussi. Alors elle lui écrit une lettre ; il la rejette, pour de mauvaises raisons
peut-être. Et puis un drame les sépare pour de bon. Dix ans plus tard, ils se
retrouvent par hasard. Tatiana s'est affirmée, elle est mûre et confiante ;
Eugène s'aperçoit, maintenant, qu'il ne peut plus vivre loin d'elle. Mais
est-ce qu'elle veut encore de lui ? », Songe à la Douceur,
édition Sarbacane
Une
histoire d’amour. Une histoire de
retrouvailles. Amour oublié. Amour retrouvé. Amour en suspens.
Tatiana et
Eugène avaient dit adieux à leur premier amour, l’avaient enfermé dans une
petite boîte qu’ils osaient parfois ouvrir. Mais un jour, le verrou de cette
boîte se déverrouille sans prévenir et le passé leur saute à la figure. Leur
vie d’adulte est déjà bien entamée lorsque leurs regards s’embrassent dans le
métro. Surprise et gêne. Les adolescents qu’ils étaient réapparaissent. Et les
souvenirs aussi. Nous, lecteurs, suivons le conte de cette histoire d’amour
d’adolescente, de son début à sa fin, en se demandant si dix ans plus tard le
dénouement sera le même.
En termes
d’intrigue, cette romance reste assez simple : c’est le retour inattendu
du premier amour qui éclate au visage, obsède et sème le doute. Néanmoins la
particularité du roman s’observe dans sa forme et son écriture. Clémentine
Beauvais innove en proposant une romance rédigée en vers. Un récit tout en
délicatesse et poésie où mot et image se tiennent la main. Entre comparaisons,
métaphores ou même calligrammes, c’est un nouveau rapport à la lecture qui s’affirme.
Voir les mots qui descendent quand un des personnages descend en escalier ou
avoir une phrase scindée en rythme pour représenter des mouvements de pas ou
des battements de cœur. Cette œuvre hybride, mi- roman mi- poème, magnifie ce
conte commun et réaliste et accentue la personnalité de cet homme et cette
femme. Tatiana et Eugène se révèlent être des adolescents vagabonds et
poétiques. A 14 et 17 ans, ils ont la particularité de s’échapper tout deux du
monde : l’un plongé dans la littérature classique, l’autre ancré dans une
perspective du Néant. Ces jeunes âmes questionnent le monde et la condition
humaine, ils débattent, philosophent. Et entourés de cette coquille poétique, les
héros laissent l’amour entrer dans leur cÅ“ur.
Que deviennent
ces sentiments dix ans plus tard ? Une vraie inversion des sentiments
amoureux s’opère chez les personnages, l’auteur s’amuse à zigzaguer entre leurs
deux points de vue et on est forcés de constater que le temps fait grandir,
fait évoluer. La Tatiana qui lisait des romans à l’eau de rose dans son jardin n’existe
plus. De même que le révolté Eugène qui haïssait la vie et bannissait toutes
émotions a disparu. Certes le ton est parfois fleur bleue et exagéré concernant
l’expression des sentiments. Un halo romantique plane sans cesse au-dessus du
texte. Mais attention à la fin. Fin réaliste et énigmatique, c’est maintenant
au lecteur de prendre sa propre direction, de croiser les mots et d’imaginer le
prochain chapitre de cette histoire.
La structure
poétique de cette romance peut effrayer. L’auteur nous rassure en contrebalançant
ce ton codé et abstrait avec l’intervention d’un personnage narrateur. Ce
narrateur s’implique dans le récit, il n’est pas seulement conteur, il est juge
et critique. Il lui arrive de se moquer du comportement des protagonistes, d’entamer
un dialogue avec eux ou de symboliser le lecteur en ayant les mêmes réactions
que lui. Ce narrateur dynamise la lecture et amène une légèreté au roman.
Songe
à la Douceur c’est la réminiscence de sentiments adolescents, le
surgissement d’un amour passé et la question de son évolution plusieurs années
après. Conte du hasard, joli poème en vers, c’est une redécouverte de l’amour
et de son écriture qui nous est proposé avec ce roman !
Gwendoline