août 2018

La vérité sur l'affaire Harry Quebert

11:53

de Joel Dicker


« Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est dans la tourmente: il est incapable d'écrire le nouveau roman qu'il doit remettre à son éditeur d'ici quelques mois. Le délai est près d'expirer quand soudain tout bascule pour lui : son ami et ancien professeur d'université, Harry Quebert, l'un des écrivains les plus respectés du pays, est rattrapé par son passé et se retrouve accusé d’avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans, avec qui il aurait eu une liaison. Convaincu de l'innocence d’Harry, Marcus abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête. Il est rapidement dépassé par les événements : l'enquête s'enfonce et il fait l'objet de menaces. », La vérité sur l’affaire Harry Quebert, éditions de Fallois

Une histoire d'écriture devenue le récit d’un meurtre raconté, d’une vérité rétablie pour sauver l’innocent. Marcus Goldman (le Formidable du lycée); un jeune homme qui a appris à perdre aux côtés de son professeur et mentor, Harry Quebert, pour devenir l'écrivain qu'il a toujours idéalisé. Premier roman. Des millions d'exemplaires vendus. Son visage, placardé sur toutes les vitrines de librairies. Il incarnait son rêve. La célébrité. La reconnaissance. L'argent. Formidable, il l'était. Jusqu'à que cet écran de fumé fragile et éclatant s'évapore. Son appartement se vide. Les affiches dans les librairies se décrochent. Une seule personne le harcèle au téléphone : son éditeur, bavant devant les juteux bénéfices qui lui procureront son deuxième roman. Un deuxième roman aussi vide qu'une page blanche. Un an s'écoule et Marcus n'a pas écrit un mot. Alors il retourne chez le seul le seul homme qui avait démasqué l’imposture du Formidable : Harry Quebert. Ancien professeur. Écrivain à succès. Amoureux en secret. Un amour dévoué et interdit qui a inspiré son plus grand roman : Les Origines du Mal. Un amour destructeur qui propulse Quebert derrière les barreaux ; le jour où le corps de la jeune Nora, 15 ans, disparue 20 ans plus tôt, est trouvé dans son jardin. Quebert est accusé. Sa réputation part en feu.

Marcus ne peut croire en la culpabilité de son plus proche ami. Il décide de percer les secrets qui se cachent derrière les yeux bleus Nora Kellergan. Il plonge sa plume dans les entrailles de cette petite ville du New Hampshire où chaque habitant a déjà croisé le visage angélique de la douce Nora.

La vérité sur l'affaire Harry Quebert. Un titre qui tournait sur internet. Un titre qui tournait en librairie. Mais moi j'avais commencé avec Le Livre de Baltimore. Tout en gardant cette fameuse affaire Quebert dans ma tête. Sans même connaître un mot de cette histoire. Cet été, je l'ai trouvé sur la table de chevet de ma mère et c'est ainsi que j'ai quitté  New York avec Marcus Goldman pour éclairer les recoins les plus sombres qui habitaient les âmes de New Hampshire.

Joël Dicker modèle son récit comme un roman américain. Il plante le décor d'une Amérique en soif de consommation et de succès; une Amérique en soif de scandale ; une Amérique conservatrice ; une Amérique antithétique (de la grosse pomme à la petite ville hors du monde; de l'American Dream à la destruction d'une réputation). Un premier coup d'œil pour tracer les traits lisses de nos personnages : l'écrivain vénéré à succès; la douce fille du Pasteur au cœur léger et travailleur, la serveuse amoureuse, le flic trop timide pour avouer ses sentiments... En surface ils sont des archétypes : des visages déjà vu et faciles à cerner. Un deuxième coup d'œil : Marcus gratte avec la pointe de son stylo le masque de ces personnages qui se révèlent bien plus secrets et complexes qu'il n'y paraît.

L'auteur s'attarde ; il multiplie les détails. Sans pour autant endormir son lecteur grâce à un entrecroisement constant de récits : l'été 1975 (le temps de cette romance cachée), l'année 2008 (corps retrouvé, romance révélée, le scandale Harry Quebert est lancé) et les années d'université de Marcus (quand petit protégé du grand écrivain apprend à écrire). Je ne me suis pas ennuyée un instant. J'étais certes bien plus impliquée dans la résolution de cette enquête que dans la romance très pure et  un peu '' gnangnan'' entre Quebert et Nora.  Comme Marcus, j’épiais chaque indice et mettais en scène des scénarios les plus farfelues les uns que les autres. Certaines déductions se sont confirmées ; d'autres non.

La vérité sur l'affaire Harry Quebert est un bon roman à suspens. Des pistes s’ouvrent, d’autres se ferment, certaines restent condamnées jusqu’au dénouement final. Le récit ne manque de rebondissement et de petites révélations qui donnent à cette intrigue son aspect addictif.

« Lorsque vous arrivez en fin de livre, Marcus, offrez à votre lecteur un rebondissement de dernière minute. … il faut garder le lecteur en haleine jusqu'au bout »

La vérité sur l’affaire Harry Quebert ; un roman addictif, un jeune écrivain qui change sa plume contre un dictaphone de détective pour innocenter son plus proche ami. Un combat vers la vérité qui ternira une histoire d’amour gardée sous cloche pendant des années…

★    

2018

Trouble vérité

00:55

de E. Lockhart


« Que fait Jule dans un hôtel de luxe au Mexique, avec une valise pleine de perruques, de maquillage et de tenues différentes ? Et où a disparu la mystérieuse et charismatique Imogen ? De Las Vegas à New York, en passant par Londres et San Francisco, on déroule le fil de l'histoire d'une amitié dangereuse entre une héritière en fuite, orpheline, tricheuse, et une sportive, caméléon social que rien n'arrête. Mais qui est Jule ? Et qui est Imogen ? », Troublé vérité, ed. Gallimard Jeunesse

Un roman à pendule : tourner la manivelle, remonter les poids lentement sous le cliquetis des engrenages qui inversent le temps. Un texte labyrinthique : le lecteur remonte le fil d’Ariane ; il ne cherche pas la sortie mais le cœur du labyrinthe ; là où loge le monstre, l'immonde vérité, qu'on ligote et cache dans les profondeurs de notre esprit.

Quelques mots pour poser le décor, pour rencontrer l’héroïne principale. L'intrigue n'attend pas. Elle avance en nous laissant dans un nuage d'interrogations. Ou plutôt elle recule. Un hôtel de luxe au Mexique. Une jeune femme à l'accent britannique qui fuit en catimini une soirée devinette, à l'arrière d'une voiture. Un billet d'avion. Une perruque. Passeport numéro 3 et le sablier s'écoule. Les chapitres s'égrainent ; et de page en page, on revient à la source de cette histoire : Jule Williams et son amitié avec Imogen; cette gosse de riche au cœur vagabond. Une amitié intime et destructrice qui amène Jule à fuir le reste du monde.

La fin de ce roman n'a pas été aussi soufflante que Nous Les Menteurs mais tout comme son premier roman j'ai dû prendre un temps de recul pour réaliser toute la complexité de ce récit notamment dans la construction de son héroïne et son état mental. E Lockhart reprend les codes qui ont fait le succès de Nous Les Menteurs : une complexité narrative et psychologique évoluant dans une atmosphère secrète, pesante et glaçante. Son écriture reste tout aussi frappante et épurée. Ses phrases se tissent autour du lecteur ; une fois la lecture commencée on ne peut se délivrer de leurs liens. On grignote chaque mot jusqu'à la dernière page sans s'arrêter car ce sont dans les dernières bouchées qu'on tombe sur la vérité.

Quelques écrans de fumée survolent les pages. Ces zones d'ombres se révèlent dans les souvenirs ou les pensées brumeuses de Jule. On s'interroge sur ces instants sans réponse. Est-ce un oubli ? une incohérence ? le personnage nous ment-il ?  transforme-t-il la réalité ? Ce sont de courts moments, insignifiants dans l'avancée de l'intrigue. De courts moments de libre interprétation qui jouent sur la vraisemblance et ce pacte de sincérité entre le narrateur et le lecteur qu’E. Lockhart a toujours aimé chatouiller. Des instabilités sûrement volontaires pour illustrer la richesse du personnage et sa psychologie instable ; et ainsi comprendre les traumatismes qui ont créé ce portrait caméléon.

Aujourd'hui rien n'est plus bancal et abstrait que cette chronique comme l'était celle de Nous Les Menteurs; comme le sont chaque roman d’E. Lockhart qui mêle une part de mystère et de non-dits avec une dimension psychologique très bien travaillée.

Trouble vérité : une femme caméléon en fuite, victime d'un furieux désir d'être aimé ; elle court contre les souvenirs du passé qui défilent dans ce sablier que le lecteur tient entre ses mains.

★   ★ ✩ 

Gwendoline

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