Trouble vérité
00:55
de E. Lockhart
« Que fait Jule dans un hôtel de luxe au Mexique, avec une valise pleine
de perruques, de maquillage et de tenues différentes ? Et où a disparu la
mystérieuse et charismatique Imogen ? De Las Vegas à New York, en passant par
Londres et San Francisco, on déroule le fil de l'histoire d'une amitié
dangereuse entre une héritière en fuite, orpheline, tricheuse, et une sportive,
caméléon social que rien n'arrête. Mais qui est Jule ? Et qui est Imogen ? »,
Troublé vérité, ed. Gallimard Jeunesse
Un
roman à pendule : tourner la manivelle, remonter les poids lentement sous le
cliquetis des engrenages qui inversent le temps. Un texte labyrinthique : le
lecteur remonte le fil d’Ariane ; il ne cherche pas la sortie mais le cœur du
labyrinthe ; là où loge le monstre, l'immonde vérité, qu'on ligote et
cache dans les profondeurs de notre esprit.
Quelques
mots pour poser le décor, pour rencontrer l’héroïne principale. L'intrigue
n'attend pas. Elle avance en nous laissant dans un nuage d'interrogations. Ou
plutôt elle recule. Un hôtel de luxe au Mexique. Une jeune femme à l'accent
britannique qui fuit en catimini une soirée devinette, à l'arrière d'une
voiture. Un billet d'avion. Une perruque. Passeport numéro 3 et le sablier
s'écoule. Les chapitres s'égrainent ; et de page en page, on revient à la
source de cette histoire : Jule Williams et son amitié avec Imogen; cette gosse
de riche au cœur vagabond. Une amitié intime et destructrice qui amène Jule à
fuir le reste du monde.
La
fin de ce roman n'a pas été aussi soufflante que Nous Les Menteurs mais tout comme son premier roman j'ai dû prendre
un temps de recul pour réaliser toute la complexité de ce récit notamment dans
la construction de son héroïne et son état mental. E Lockhart reprend les codes
qui ont fait le succès de Nous Les Menteurs : une complexité narrative
et psychologique évoluant dans une atmosphère secrète, pesante et glaçante. Son
écriture reste tout aussi frappante et épurée. Ses phrases se tissent autour du
lecteur ; une fois la lecture commencée on ne peut se délivrer de leurs liens.
On grignote chaque mot jusqu'à la dernière page sans s'arrêter car ce sont dans
les dernières bouchées qu'on tombe sur la vérité.
Quelques
écrans de fumée survolent les pages. Ces zones d'ombres se révèlent dans les
souvenirs ou les pensées brumeuses de Jule. On s'interroge sur ces instants
sans réponse. Est-ce un oubli ? une incohérence ? le personnage nous
ment-il ? transforme-t-il la
réalité ? Ce sont de courts moments, insignifiants dans l'avancée de
l'intrigue. De courts moments de libre interprétation qui jouent sur la
vraisemblance et ce pacte de sincérité entre le narrateur et le lecteur qu’E.
Lockhart a toujours aimé chatouiller. Des instabilités sûrement volontaires
pour illustrer la richesse du personnage et sa psychologie instable ; et
ainsi comprendre les traumatismes qui ont créé ce portrait caméléon.
Aujourd'hui
rien n'est plus bancal et abstrait que cette chronique comme l'était celle de Nous Les Menteurs; comme le sont chaque
roman d’E. Lockhart qui mêle une part de mystère et de non-dits avec une
dimension psychologique très bien travaillée.
Trouble
vérité : une femme caméléon en fuite,
victime d'un furieux désir d'être aimé ; elle court contre les souvenirs
du passé qui défilent dans ce sablier que le lecteur tient entre ses mains.
★ ★ ★ ★ ✩
Gwendoline
0 commentaires