de Jennifer Mathieu (Milan)
MOXIE : désigne le caractère
audacieux d'une personne prête à défendre ses convictions envers et contre
tous.
Vous entendez peut-être la chanson
Rebel Girl des Bikini Hill hurler au loin. Dans les couloirs du lycée d’East
Rockport au Texas, plane un vent de rébellion contre les stars de la ville :
les footballeurs. Non aux tee-shirts insultants ! Non aux remarques sexistes !
Vivian, une adolescente de 16 ans discrète, ne supporte plus ces comportements sexistes
que personne ne condamne. Du papier, de
la colle, des mots aiguisés et une envie de changement. C’est ce qu’il suffit
pour que le mouvement des Moxie Girls éclate au lycée d’East Rockport.
Ce roman je voulais le lire
depuis deux-trois ans alors, quand il est sorti en France cette année, je me suis
enfin décidée à sauter le pas. Le féminisme et la lutte contre le sexisme sont
plus que jamais des sujets d’actualité et j’étais curieuse de voir comment ils
allaient être traités dans un roman jeunesse.
J’admets que j’ai pris un peu peur en lisant l’introduction
de l’autrice qui s’adresse à l’un de ses anciens profs qui l’avait insulté de
féminazi : « La vengeance est un plat que se mange froid, abruti ».
Je n’avais pas envie de lire un livre écrit dans ce seul et unique but de
vengeance.
Heureusement mon appréhension s’est
vite dissipée. J’ai déjà beaucoup apprécié comment était construite le
personnage de Vivian. Nous ne sommes pas face à une héroïne pleine de rage qui
déteste les hommes et qui cherche à tout prix à s’opposer à eux, comme
certains(es) auraient tendance à associer les féministes. Vivian est une
adolescente discrète, elle se définit comme la « fille modèle » à l’opposé
de sa mère qui était une adolescente engagée car elle faisait partie du
mouvement punk rock féministe des Riot Grrrl. Dans cette petite ville au Texas,
la vie est rythmée par l’équipe de football masculine du lycée d’East Rockport.
Et Vivian s’en contente. Jusqu’à ce que la découverte des fanzines -magazine
féministe- de sa mère et les nouveaux vêtements des joueurs de foot font naître
en elle un sentiment de révolte. On assiste à la naissance de son esprit
féministe.
Je ne suis rien une experte mais je
trouve que la notion de féminisme est bien abordée au fil des pages. Il occupe
une place centrale dans le récit sans jamais étouffer l’intrigue en elle-même
et le quotidien de Vivian dont on connaît les préoccupations familiales,
sentimentales, etc. L’autrice déconstruit les clichés qu’on peut avoir sur ce
mouvement et les discussions entre les personnages permettent de comprendre l’enjeu
du féminisme :
« - (…)
Le mot féminisme fait peur, il sonne pas très bien. Ça donne l’impression qu’on
déteste les hommes. Je dirais que je suis pour l’égalité, c’est tout.
-Mais c’est bien ça le
féminisme, non ? L’égalité des sexes ? Je crois pas que ça signifie
qu’on refuse de sortir avec des mecs. Tu vois ce que je veux dire ? »
« (…) je me dis que c’est
ça, être féminisme. Pas humaniste ou égaliste, ou je ne sais quoi. Mais
féminisme, vraiment. Le terme convient tout à fait. A partir d'aujourd’hui ce sera mon mot
préféré. Parce qu’en somme, ça veut dire des filles qui se soutiennent et qui
veulent être traitées de façon égalitaire dans un monde qui n’arrête pas de
leur répéter qu’elles sont inférieures ».
L’autre pan majeur du roman est l’amitié
qui lie toutes ces jeunes filles. Alors qu’on cherche toujours à vouloir
opposer les filles entre elles, ici, elles se soutiennent et se serrent les
coudes. Elles ont des profils différents, des perceptions du féminisme variées
et chaque échange invite à l’apprentissage et à l’évolution d’un mode de
pensée.
D’ailleurs, le personnage de Seth
est également très intéressant même si je ne me suis pas du tout attachée à son
histoire ou à sa relation avec Vivian. Seth soutient Vivian dans son projet, il
est compréhensif et essaye de comprendre les revendications des Moxie Girls. Ce
personnage prouve que le féministe ne s’adresse pas seulement aux femmes.
♡ Les petits plus que j’ai aimés :
- - L’insertion des fanzines Moxie dans le
roman : cela permet de s’immerger pleinement dans l’histoire et je dois
avouer que je suis fan du format et de l’esthétique de ce magazine.
- - La soutien d’une diversité dans le mouvement
féministe : dans l’un des extraits, l’autrice évoque le problème du white
feminism qui a pu être observé dans le groupe des Riot Grrl. Dans le roman,
plusieurs portraits féminins d’origines variées se dessinent et s’impliquent
dans les Moxie Girls.
- - La réponse à l’argument not all men. Dans
le roman, Vivian dénonce le comportement général des garçons du lycée à la
suite d’une énième action sexiste et Seth répond que tous les garçons ne sont
pas comme ça, ce qui vexe Vivian qui prend ensuite le temps de lui expliquer la
raison de sa réaction. « J’ai eu le sentiment que tu essayais de me
convaincre que la situation avec le tournoi n’était pas si grave. Parce que
toi, t’es pas comme ceux qui jouent à ça. Et j’ai trouvé ça très frustrant,
parce que, bien sûr, je sais que tu n’es pas comme eux, mais le problème, c’est
que ces gars existent, et qu’ils sont ici, à East Rockport. Et…ils sont très
nombreux ». Je trouve ce passage extrêmement intéressant, il fait réfléchir
notamment quand on sait que l’utilisation du terme men are trash peut amener à ce même genre de réaction.
- - L’écart de traitement apporté à l’équipe de
football masculine et celle féminine
Moxie est un hymne sur la sororité
et le féminisme qui dit STOP au sexisme, au favoritisme, et au harcèlement
sexuel ! Un ouvrage que j’aurais aimé avoir à mes côtés pendant mes
propres années lycée.