de Madeline Miller
« Ce ne sont encore que des enfants :
Patrocle est aussi chétif et maladroit qu'Achille est solaire, puissant, promis
par sa déesse de mère à la gloire des immortels. En grandissant côte à côte,
l'amitié surgit entre ces deux êtres si dissemblables. Indéfectible. Quand, à l'appel du roi Agamemnon, les deux
jeunes princes se joignent au siège de Troie, la sagesse de l'un et la colère
de l'autre pourraient bien faire dévier le cours de la guerre... », Le
Chant d’Achille, édition Pocket
Plus qu’un remaniement de l’Iliade, c’est l’histoire d’une vie. De
deux en fait. Achille et Patrocle. Achille, demi-dieux, fils de la déesse
Thétis et du roi Pélée, est promis à devenir le meilleur des guerriers grecs.
Patrocle, un jeune prince exilé, trouve refuge chez Pelée. Les deux jeunes garçons
ne se quittent plus et des années plus tard, ils intègrent l’armée d’Agamemnon.
Grecs contre Troyens. Cette guerre menace, détruit, réunit et fait briller
cette amitié si particulière.
Madeline Miller s’attaque à
une œuvre légendaire : l’Iliade
d’Homère. J’avais beaucoup apprécié cette épopée et cette version contemporaine
m’a charmée. Ce roman nous invite à déceler le vrai du faux. Parfois on se pose
la question. Qu’est-ce qui relève des légendes antiques et qu’est-ce qui sort
de l’imaginaire de ce professeur de grec ancien et de latin ? L’écrivain
maîtrise parfaitement l’univers homérien et ses personnages. Le lecteur suit
une histoire chronologique, il suit la naissance d’un héros et redécouvre des
épisodes connus tels que l’apprentissage
d’Achille auprès du centaure Chiron, sa fuite sur l’île de Skyros, la fameuse
« colère» (chant 1 de l’Iliade), le dévouement de Patrocle et le
duel entre Achille et Hector. Agamemnon, Ulysse, Briséis et beaucoup d’autres
sont aussi de la partie. Dans l’Iliade,
Achille éclaire le récit et les personnages pour son physique et ses talents au
combat presque irréels. Le Chant
d’Achille garde cette image charismatique d’Achille mais inclut le point de
vue interne de Patrocle. Le livre ouvre de nouvelles possibilités en modelant
une représentation précise de Patrocle et de sa vie au côté d’Achille.
Une amitié indéfectible. Une
amitié mystérieuse. Alors Patrocle ami ou amant ? Madeline Miller fait
naître des sentiments, des émotions là où on ne les attendait pas. Pour moi,
Patrocle se résumait à une scène de l’Iliade ; dans ce roman c’est un
nouveau Patrocle que je découvre. Un être que je ne soupçonnais pas si sensible,
délicat, fragile et aimant. Son humanité, sa douceur s’oppose à l’hybris ou
l’impétuosité qui règne chez Achille. Une histoire d’amour inattendue. Un amour
magnifique et une sensibilité dans les mots pour parler de sentiments. Une
relation amoureuse que je qualifierai de véritable représentation du Mythe de
l’Androgyne. Platon raconte que les humains étaient initialement constitués de
quatre jambes, quatre bras et deux têtes. Ces êtres voulaient défier les Dieux
alors pour punir leur orgueil Zeus les coupa en deux et les sépara de leur
moitié. Toute leur vie, cet être mutilé cherche désespérément sa partie
manquante, cette moitié qui comblera le vide qui le tiraille. Patrocle et
Achille c’est un amour aussi héroïque et poétique que ce mythe, deux êtres
faits pour se rencontrer et s’aimer. Deux êtres qui se battent pour un amour
que le divin tente d’empêcher. Même si rien n’affirme cette relation, après
avoir lu Le Chant d’Achille, on y
croit.
Achille, ce héros aussi
éclatant que le soleil, doté d’une force surnaturelle. Invincible et
inhumain ? Le terme « demi dieux » répond à la question. Achille
c’est ce beau garçon, joueur de lyre qui hypnotise, séduit celui qui croise son
regard par un simple chant. Il reste un guerrier, cependant un guerrier qui n’est
pas épargné par la peine, la douleur et les larmes. Ces larmes on les
connaissait déjà dans l’Iliade, mais ici,
Achille dévoile son cœur tendre -une
tendresse souvent cachée sous son armure- dans cette relation intime .J’admets
qu’une des scènes finales, que j’appréhendais depuis le début, ne m’a pas
laissée indifférente. Un moment de grande d’intensité, d’une tension palpable ;
une scène que je n’avais pas apprécié à sa juste valeur dans l’épopée d’Homère.
Des épisodes nous apparaissent sous un nouvel angle et laisser planer le
mystère… (car ne croyez pas que Briséis dément cet amour entre Patrocle et
Achille : dans l’Antiquité, beaucoup d’hommes avaient des compagnons, la
femme n’avait pas un statut bien respecté, elles n’était jugée utile que pour
sa capacité à enfanter ; par
conséquent d’après moi la colère d’Achille serait plus liée à la perte de son
honneur incarnée par Briséis que le vol de son amante). A chacun ses théories.
Cette adaptation contemporaine
de l’œuvre d’Homère m’effrayait, notamment dans la modernité du texte et
pourtant j’ai fini par apprécier les mots de Madeline Miller. Son écriture est
le miroir de cette relation amoureuse : simple, délicate, héroïque, et intemporelle.
On quitte Achille et Patrocle en sachant que leur amour est infini.
Le Chant d’Achille :
Deux vies. Un héros légendaire. Une épopée antique. Une histoire bouleversante.
Une fois terminé, vous n’aurez plus peur de lire l’Iliade d’Homère !
How light carries on endlessly, even after death.
With shortness of breath, you explained the infinite.
How rare and beautiful it is to even exist."
- S A T U R N
(Les chansons qui ont accompagné la rédaction de ma chronique, qui seront parfaites durant votre lecture)
Gwendoline