Un vent froid s’abat sur ces doux
jours d’été. C’est la même brise glaciale qui couve le cœur de Tori. Cette
adolescente pessimiste, cynique et introvertie passe ses jours enfermée
derrière son écran d’ordinateur ou à porter un regard désabusé sur le monde avec
son casque de musique vissé sur les oreilles. Solitaire, elle ne l’est pas. Sa
meilleure amie Becky la traîne à toutes les soirées pizzas et les fêtes les
plus branchées. Ses frères sont toujours là pour combler son ennui ou ses
mauvaises journées avec une grosse pile de cartons. Solitaire, elle l’est. Dans
sa tête. Dans son cœur. « Je suis du néant. Du
vide. Je ne suis rien. », dit-elle. Jusqu’à
ce que le projet « solitaire » et Michael Holden arrêtent sa chute
silencieuse.
Qu’est-ce
que j’ai entendu parler d’Alice Oseman. Qu’est-ce que j’ai attendu bien trop
longtemps pour la découvrir. Et puis son premier roman est arrivé dans mes
mains pour quelques sous. C’était l’occasion. L’occasion de tomber amoureuse de
la plume d’Alice Oseman, de ses personnages et de son illustration des
émotions. L’occasion de grincer des dents et de m’emmêler dans cette intrigue
décousue et un peu floue. Comme l’esprit de Tori.
En effet,
Alice Oseman a le talent de retranscrire avec authenticité, l’adolescence avec
ses mots et ses émotions. On se reconnaît dans ses personnages, leurs
solitudes, leurs espoirs, leurs discussions stupides. On s’attache à cette palette
d’adolescents : de Tori la solitaire, à l’excentrique Michael – aussi solaire
et exaltant que notre cher Augustus Walter de John Green – jusqu’à Becky, la
meilleure amie avec qui on s’éloigne. La complexité de chaque personnage s’explique
aussi par la diversité des sujets abordés : dépression, solitude, troubles
alimentaires, maladies mentales, homosexualité. Ces éléments sont développés
avec justesse et sensibilité grâce au style poétique et sincère de l’autrice. Le
livre est d’ailleurs parsemé de nombreuses références pop-culture et
littéraires (qui raviront les fans d’Harry Potter ou qui pourront très vite
vous taper sur le système !).
Je regrette
cependant cette intrigue narrative bancale. On avance dans le noir, à tâtons.
Sans but précis. A se demander où l’on veut nous emmener. Et cette péripétie
autour du blog Solitaire n’est pas claire (même à la fin), elle désoriente et vacille
de temps de temps dans l’invraisemblance. Elle aurait mérité d’être plus
fouillé et réfléchi.
L’année
solitaire n’est pas un roman qu’on lit pour son intrigue ni parce qu’on veut
être assommé par les rebondissements, on le lit pour le développement
émotionnel d’un personnage, la sincérité de ses émotions et le chaos qu’elles
provoquent quand elles éclatent.
✰ Mon commentaire sur le
blog de Tori :
Cher Tori,
Tu crois que tu vogues en apesanteur
vers un trou noir. Tu crois que le silence grésille dans tes oreilles. Tu crois
que les rires et les sourires te font disparaître. Tu crois que le soleil te
fera disparaître. Tu crois que ce nuage noir qui t’accompagne ne partira pas.
Tu crois que rien ne pourra soulager les sacs de peines sur tes épaules. Tu
crois que l’éloignement est la meilleure des guérisons. Tu te crois solitaire.
Mais tu ne l’es pas.
Je tiens à préciser que ce n’est
pas un roman que je mettrai entre toutes les mains. C’est pourquoi je vous
invite à lire attentivement les trigger warnings (tw).
― 𝕝'𝕒𝕟𝕟𝕖𝕖 𝕤𝕠𝕝𝕚𝕥𝕒𝕚𝕣𝕖
rep: homosexualité,
maladies mentales
tw:dépression / pensées suicidaires / troubles alimentaires / automutilation