02:45
(5 mois sans lire)
(le jour où j'ai appris à
ne plus être prisonnière de mes livres)
La
panne de lecture. On y passe tous. Un moment ou un autre. Sur ta
table de chevet, un livre. 20 pages grignotées. Et depuis, il prend
la poussière. Des jours, des semaines et des mois, qu'il t'attend
là. Tu le vois quand tu te couches, quand tu te lèves. Tu l'entends
presque te murmurer "dévore moi!". Mais tu ne peux pas. Tu
as l'appétit coupé. Tu ouvres le livre, regarde la page puis tu le
refermes. Tu n'as encore croqué aucun morceau mais tu es déjà
rassasiée. "C'est juste une histoire de goût", voilà
comment tu te rassures. Alors tu fouilles dans ta bibliothèque et
dans celle des autres : tu goûtes d'autres mots, d'autres récits.
Mais sans jamais réussir à finir le plat. A la page 20, tu ne peux
même plus avaler une bouchée. Chaque livre qui te passe entre les
doigts te parait plus fade que du papier mâché.
Le
diagnostic tombe : panne de lecture sévère.
Je
ne vais pas vous dire comment j'ai surmonté cette panne de lecture.
Tout simplement car je ne pense pas encore l'avoir surmontée. Je ne
pense pas avoir encore trouvé les bons conseils à suivre. Je viens
vous parler de la première grosse panne de lecture que je traverse
depuis bien longtemps (la dernière doit remonter aux années lycée).
Je partage avec vous mes hypothèses sur son origine.
Bienvenue
dans la tête d'une lectrice en pleine détresse.
Ironie
du sort : elle lit toujours sauf quand elle est le seul maître à
bord.
TOU
DOUM!
Est-ce
que je t'ai perdu ? Si tu réponds "non", c'est que tu
mens. Comment est-ce que je ne peux plus lire alors que je lis tous
les jours, hein ? C'est une énigme bien épineuse à résoudre
n'est-ce pas ?
Laisse
moi t'expliquer.
Il
y a maintenant 5 mois, j'ai posé mes valises à Paris. Ah Paris !
la ville des lumières, la ville de l'amour ! Pour moi, elle est
surtout la capitale française de l'édition et un passage obligé
pour une étudiante dans les métiers du livre (disons, dans
l'édition, c'est plus court; et ça me représente plus). Me voilà
à faire le stage de mes rêves et à lire entre autre plusieurs manuscrits par semaine. Et c'est là que c'est arrivé ! Cette pause
que je pensais liée à la rentrée s'est transformée en panne de
lecture. Quand je passais la porte de mon studio impossible d'ouvrir
la moindre page d'un livre. J'enviais et je détestais à la fois
tous ces gens dans le métro qui avaient le nez dans leur bouquin.
Quel
maléfice m'a t'on jeté pour que je puisse lire jusqu'à 6
manuscrits par semaine et me retrouver tétaniser devant les 300
pages d'un de mes livres ? Des milliers de réponses et de questions
ont suivi. Est-ce la lecture appartenait maintenant au domaine du
travail et de la contrainte ? J'ai pris peur. Peur de ne plus lire
pour le plaisir. Puis j'ai réalisé quelque chose : cet amour de la
lecture ne peut disparaître. Même dans le travail. Même lorsque je
suis guidée par mon esprit critique et mon jugement liés aux
attentes d'une maison d'édition ou d'un type de lecteurs. Le plaisir
n'est jamais absent. Cette sensation excitante quand on découvre un
texte pour la première fois (ou qu'on relit sous un oeil nouveau).
Ces émotions qui nous traversent à la lecture d'un manuscrit, quand
l'intrigue nous percute, quand les mots sont justes, quand les
personnages sont attachants, quand un texte n'est pas parfait mais
qu'on voit son potentiel. Cette excitation garde au fond d'elle ce
plaisir de lire.
Peut
être que mon cerveau cherche encore les limites de tout ça : entre
lecture "travail" et lecture "personnelle", les
frontières sont ambiguës. C'est peut être une petite erreur dans
le système qui ne demande que du temps pour dissocier ces deux actes
de lecture. Peut être que je lis tellement en semaine que j'ai perdu
toute mon énergie dès le vendredi soir ? Impossible de donner des
réponses concrètes à ces questions.
Je
dois accepter cet entre-deux instable. Je dois accepter cette panne
de lecture. Je crois qu'au fond de moi, j'en avais besoin.
Pour
mieux comprendre mon rapport à la lecture.
Grâce
à cette panne de lecture, j'appris quelque chose.
Les
livres sont un monde merveilleux c'est indéniable, mais attention à
ne pas tomber dans le trou du lapin.
Je
ne veux pas que les pages de mes livres m'étouffent mais qu'elles me
libèrent.
Quand, j'ai
commencé mon blog en 2015 : j'avais besoin de m'accrocher à quelque chose après une année dure physiquement et mentalement. J'avais
perdu confiance en moi (le peu que j'avais du moins).
J'étais
seule, triste et un peu perdue.
Les
livres ont été ma bouée.
Ce
blog puis ma chaîne youtube ont défié le courant pour me ramener
sur la côte.
Alors
oui, soudain, lire est devenue une bulle d'air : je respirais, je me
sentais mieux. J'avais une nouvelle routine qui motivait mes semaines
et mes mois. Elle éveillait ma curiosité, mon goût pour la lecture
et ma créativité. Surtout cela faisait renaître en moi, cette
confiance, que j'avais perdue.
Alors
oui, tout d'un coup lire un livre par semaine, publier une vidéo le
mercredi et rédiger une chronique le dimanche étaient comme des
petites lumières qui guidaient mon chemin. J'étais toujours seule
mais j'avais mes livres. J'avais mes rituels qui comblaient mon
temps.
Petit
à petit, cette routine a commencé à s'effriter. C'était il y a
deux ans. Puis ce métronome s'est déréglé. Je m'accordais des
absences. Peut être que ce manque de régularité vous a surpris ou
interrogé. En fait, je m'accordais juste le temps de respirer et de
vivre.
Alors, cette panne de lecture n'est pas
si anodine. Durant ces 4 derniers mois, j'ai
voulu sortir, mettre le nez dehors et connaître le secrets de cette
si jolie ville.
Aujourd'hui,
je veux renouer avec la lecture de manière plus apaisée.
Mes
chers livres, je vous aime mais vous ne serez plus mes compagnons de
solitude. Je veux vous retrouver comme de vieux amis à qui j'ai
envie de rendre visite et non comme des amis auxquels je m'accroche
pour rester enfermer.
Je
ne veux plus être dépendante de vos histoires, de vos aventures et
de vos royaumes. Je ne suis plus prisonnière de votre labyrinthe.
J'ai la clé et c'est moi qui choisis d'y rentrer ou d'en sortir.
Voilà.
C'est
tout.
C'est
l'histoire d'une lectrice qui apprend à vivre avec ses livres et non
plus à dépendre d'eux.
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