Réparer les Vivants

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de Maylis Kerangal



"Le coeur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d'autres provinces, ils filaient vers d'autres corps". "Réparer les vivants" est le roman d'une transplantation cardiaque. Telle une chanson de gestes, il tisse les présences et les espaces, les voix et les actes qui vont se relayer en vingt-quatre heures exactement. Roman de tension et de patience, d'accélérations paniques et de pauses méditatives, il trace une aventure métaphysique, à la fois collective et intime, où le coeur, au-delà de sa fonction organique, demeure le siège des affects et le symbole de l'amour.", Réparer les vivants, édition Folio poche

Que se cache-t-il derrière Réparer les Vivants, livre salué par la critique et récompensé de dix prix littéraire ?

Réparer les Vivants c'est que l'on peut appeler un roman à plusieurs voix : sur un créneau de vingt-quatre heures nous suivons le destin dans jeune homme, Simon Limbres et de tous les protagonistes qui gravitent autour de lui. Simon voue sa vie à l'océan et au surf : il ne peut résister à l'appel des vagues. Lui et ses compagnons de surf taillent la route à l'aube dans leur vieux van en direction de la plage pour chevaucher ces murs d'eau. Cependant le drame s'immisce dans ce rite quotidien. Simon se retrouve d'urgence transporté à l'hôpital...

Lire le roman de Maylis de Kerangal c'est plonger dans les entrailles du corps humain et toucher ce mécanisme si mystérieux, fragile et incroyable à la fois : le cœur. Ce petit organe logé dans notre poitrine qui nous assure que nous sommes bien vivants. Plus qu'une histoire sur un jeune surfeur accidenté c'est le récit d'une transplantation cardiaque. Âmes sensibles s'abstenir : nous suivons le cheminement d'un cœur de son donneur à son receveur. Entre opération chirurgicale et sentiments, le texte fourmille d’images, d'émotions mais aussi de charabia médical. Deux facettes s'offrent à nous, deux visions de voir cette transplantation : une dimension rationnelle et médicale aux côtés des médecins, chirurgiens ou infirmiers ; ou bien une approche bien moins objective et beaucoup plus impliquée quand on traverse cette opération aux côtés des proches, de la famille  ou du patient.

L'introspection au détriment de l'action. A chaque fois qu'une main touche le corps de Simon ou s'en approche, nous découvrons une histoire, une vie, un cœur dans un corps, un humain avec ces tracas, ces questions, ces pensées et ces détresses. Le fourmillement de ces esprits et les mouvements que ces êtres opèrent dans le monde s'opposent à l'immobilité de ce corps coincé sur un lit d’hôpital. La vie continue alors qu'elle paraît s'arrêter ou ralentir pour certains. C'est le cycle intemporelle de la vie : certains meurent et d'autres vivent. Et ce cœur devient le pont entre ces deux états : il disparaît d'une poitrine pour battre à nouveau dans une autre.

Ce roman est véritablement poignant, - à plusieurs reprises j'avais presque envie de vérifier si mon cœur était encore là à battre dans ma poitrine - qui montre la beauté tragique de ce geste : arrêter un cœur pour le faire battre ailleurs. Je regrette seulement les vagabondages dans la tête de certains personnages qui m'ont fait parfois décrocher de ma lecture et perdre le fil du récit de temps en temps.

Réparer les Vivants de Maylis de Kerangal est un très beau roman sur un sujet parfois délicat et méconnu. L'auteur illustre toute la complexité d'une transplantation cardiaque ; quand réparer les vivants revient aussi à dire adieux aux mourants.

Gwendoline

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