La Femme au Miroir

11:42

de Eric Emmanuel Schmitt


« Anne vit à Bruges au temps de la Renaissance, Hanna dans la Vienne impériale du début du siècle, Anny Lee à Los Angeles de nos jours. Trois destins, trois aventures singulières, trois femmes infiniment proches tant elles se ressemblent par leur sentiment de différence et leur volonté d'échapper à l'image d'elles-mêmes que leur tend le miroir de leur époque. », La Femme au Miroir, édition Le Livre de Poche

La femme se regarde dans le miroir et se demande qui elle est. Anne, Hannah et Anny n’ont pas échappé à cette introspection.

Trois femmes. Trois destins. Trois voix qui ricochent au travers des pages, trois histoires qui s’alternent de chapitre en chapitre. Trois époques. Trois villes. Mais une ressemblance : la différence. Une même soif de liberté qui submerge nos héroïnes au point de briser les codes érigés par la société. Ce voyage dans le temps débute à Bruges en pleine Renaissance.  Anne s’apprête à enterrer son statut de jeune femme en épousant Philippe. Plus charmée par la beauté de la Nature que par son futur époux, elle s’enfuit dans la forêt dans sa robe de noce et devient la « Vierge de Bruges ». Avançons de quelques siècles et marchons vers le nord. Vienne. 1900. Hannah est une jeune aristocrate tout juste mariée et non comblée. Telle une marionnette, elle répète tous les gestes que les épouses se confient à voix basse pour satisfaire leur époux. Hannah aime son mari mais l’amour n’est pas là. Elle le dorlote comme une mère avec son enfant. Et elle subit la pression de tous ces yeux qui guettent l’apparition d’une rondeur sur son ventre. Perdue dans ce nouveau rôle, Hannah va décider de percer les secrets de son inconscient. Enfin direction le présent pour la dernière escale. Anny est une étoile montante d’Hollywood ; l’actrice déchaîne les foules et enchaîne les hommes, les drogues et l’alcool. Abusant trop de ce cocktail explosif, c’est la chute assurée pour Anny ; il est temps de se questionner sur elle et de dire adieux à la femme décomplexée que les magazines people lui demandent d’être, mais y arrivera-t-elle ?

Ces trois femmes aux personnalités bien singulières traversent une étape critique de leur vie. Plus rien n’a de sens, ni la place qu’on leur attribue dans le monde, ni le regard que l’on porte sur elles. Désorientées et écartées du monde, coincées dans un entre deux,  néanmoins, elles n’affrontent pas seule cette crise. Trois figures masculines les guident dans leur questionnement : le moine, le psychanalyste et l’infirmier. Le schéma se répète, la fin est identique ; c’est la situation qui varie. J’ai beaucoup apprécié ce tryptique sur l’esprit féminin et les complexités auquel il fait face. Ces femmes d’apparence antithétiques – Anne, la douce innocente ; Hannah, l’anxieuse insatisfaite et Anny, la scandaleuse, imperméable à l’amour – rejoignent un but commun. L’intrigue va jusqu’à les amener à se rencontrer.

L’écriture dans ce roman est comme une empreinte, qui permet de différencier les personnages : avec Anne on plonge dans un hymne à la Nature avec un certain mysticisme, Hannah se confie à nous sous une forme épistolaire et elle nous parle de ses sentiments, ses ébats comme elle peut le faire avec son psychanalyste et, du côté d’Hollywood, le récit est aussi familier, vulgaire et extravagant que le rôle de « star à la dérive » que revêt Anny au quotidien.

En conclusion, La Femme au Miroir est un roman original autour d’un trio féminin séparé par le temps mais réuni par une même question devant le miroir : « pourquoi suis-je différente ? pourquoi ne suis-je pas comme toutes les femmes ? ». Le tout étant de savoir s’il faut répondre à la question ou la surmonter. Il faut lire le roman maintenant.

★ ★ ★ ★   

Gwendoline

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