Harry Potter et l'Enfant Maudit

11:14

de John Throne, John Tiffany et J.K Rowling


« Être Harry Potter n’a jamais été facile et ne l’est pas davantage depuis qu’il est un employé surmené du Ministère de la Magie, marié et père de trois enfants. Tandis que Harry se débat avec un passé qui refuse de le laisser en paix, son plus jeune fils, Albus Severus, doit lutter avec le poids d’un héritage familial dont il n’a jamais voulu. Le destin vient fusionner passé et présent. Père et fils se retrouvent face à une dure vérité : parfois, les ténèbres surviennent des endroits les plus inattendus. », Harry Potter et l’Enfant Maudit, édition Gallimard

Laissez le Hedwig’s Theme résonner dans vos tympans. N’oubliez pas votre baguette et votre robe de sorcier. Préparez soigneusement votre valise pour la rentrée. Sur le quai 9/ ¾  embarquez dans le Poudlard Express, toujours resplendissant 19 ans plus tard. 19 après la bataille de Poudlard. Notre trio a vieilli, nous aussi. Le récit s’ouvre sur le prologue laissé par J.K Rowling dans Harry Potter et Les Reliques de la Mort en 2007. Harry, Ron et Hermione disparaissent sur le quai. Poudlard ouvre ses portes à Albus Severus Potter, le deuxième fils d’Harry. Un garçon timide, grognon et renfermé qui peine à trouver sa place et pense que porter le nom de Potter est un fardeau. Être le fils de l’Elu engendre certaines pressions. Albus va se lier d’amitié avec Scorpius, l’unique fils de Draco Malefoy. Tous deux subissent le jugement des autres suite à l’identité de leurs parents et ils vont volontairement s’embarquer dans une histoire de temps pour défier leurs pères respectifs, mais n’ont-ils pas sous-estimé les conséquences de leurs actes ….

J’ai préféré attendre un peu avant de vous donner mon avis, prendre du temps pour mieux vous parler de cette lecture. Harry Potter et l’Enfant Maudit ne pouvait échapper à l’engouement des fans, dont le mien, même si je refuse d’associer cette histoire à un huitième tome. Selon moi, Harry Potter se clôt à la fin des Reliques de la Mort. Je définis plus cette pièce comme un extra, un bonus. Il ne faut pas oublier que J.K Rowling n’est pas l’auteur principal, c’est le scénariste Jack Thorne qui est le créateur de cette histoire. Cette indication peut expliquer certaines critiques qui ont été dites.

Harry Potter et l’Enfant Maudit est une pièce de théâtre alors il est évident que ce texte ne possède pas les mêmes caractéristiques d’un roman et qu’il se détache des œuvres de J.K Rowling. L’action se succède à un rythme haletant ; le détail et la psychologie des personnages sont évincés. Pourtant je suis certaine que le rapport que le lecteur entretient avec la pièce et les personnages est complètement différent lorsqu’il devient spectateur. Je pense que la représentation théâtrale est nécessaire en complément de la lecture –avoir une place est un peu comme trouver une invitation pour la chocolaterie de Willy Wonka-. Au-delà du texte, se cache une partie indicible et invisible qui complète l’histoire : la mise en scène, l’interprétation des acteurs –notamment l’importance accordée aux expressions du visage, à la gestuelle ou au ton de voix-, les effets de lumières, les costumes et  la musique sont des facteurs influençables sur la perception et réception de l’œuvre. Le support théâtral –ce support initial- pourrait expliquer quelques incohérences déplaisantes : une fabrication improbable du Polynectar, une représentation de Poudlard qui se limite aux élèves de Gryffondor et Serpentard ou même le portrait presque caricatural fait de Ron Weasley réduit à son côté gauche et bouffon (dans le sens comique du terme). C’est pourquoi, pour tenter d’avoir une approche juste de cette lecture, il faut comprendre le format inédit de ce texte.

Pour revenir à l’intrigue elle-même, elle se concentre sur un seul enfant d’Harry, Albus Severus Potter. Ce deuxième garçon supporte mal la renommée de son père et les effets que son statut produit. Albus est un adolescent maladroit, colérique et solitaire : aussi perdu que le jeune Harry dans l’Ordre du Phénix. De scènes en scènes, il ne cesse de s’éloigner de son père et de prendre le contrepied du rôle dans lequel on voulait l’enfermer. Ce mal être engendré par cette différence l’amène à rencontrer Scorpius. Scorpius donne un vent de fraîcheur à ce texte et contredit cette étiquette de « méchant » qu’on collait à la famille Malefoy. Le jeune serpentard porte sur ses épaules le poids de son nom et les rumeurs qui détruisent ses proches. C’est un jeune garçon amical, doux et un peu peureux. Plus que la trame narrative, j’ai beaucoup aimé cette amitié qui réconcilie des anciennes rivalités. La limite entre bon et mauvais paraît moins évidente. Ces nouveaux héros sont le point fort de cette histoire : ils sont aussi particuliers et originaux que le trio l’était à l’époque,  et un goût pour l’aventure anime ces jeunes élèves qui défient les règles pour s’affirmer. En plus d’un éloge sur l’amitié, ce texte illustre aussi la relation filiale entre un père et son fils et sa complexité : c’est une confrontation entre deux générations.

Concernant les péripéties, Jack Thorne offre un début prometteur et innovant tout en nourrissant son récit d’éléments, des objets ou des scènes clés présents dans les romans de J.K Rowling. Cette pièce ne cherche pas une originalité mais elle rend hommage à cette saga en faisant plusieurs clins d’œil aux romans.  Même certaines expressions orales semblent tirées du l’œuvre littéraire. Harry Potter et l’Enfant Maudit vise donc les fans du sorcier à lunettes et joue avec la nostalgie de cet univers grâce à un concept de « déjà vu ». Certes, on est émerveillés et heureux de replonger dans ce monde si familier, mais ces rappels n’empêchent pas les nombreuses discordances de l’intrigue.

L’évolution des événements scéniques et des personnages reste l’ombre du récit. L’action, les réactions et la manière dont sont décrits les héros chers à notre cœur m’ont parfois semblé irréalistes et éloignées de la conception que l’on a d’Harry, Ron et Hermione, des personnages que l’on a suivis pendant des années. Par exemple, j’ai relevé quelques épisodes qui m’ont assez déplu sur le trio : la représentation du couple Ron et Hermione se veut très démonstrative, « gnangnan » et cela mène à des moments que j’ai trouvé inadéquates avec cet amour pudique et discret qui naît  au fil de sept tomes, ou des propos très durs tenus par Harry à son fils ou encore une scène au Ministère de la Magie qui discrédite complètement le pouvoir et l’intelligence d’Hermione – souvent décrite comme une des sorcières les plus intelligente de sa génération-. A cela je pourrai aussi ajouter des rapports entre nos anciens héros et leurs anciens professeurs parfois trop décalés.

Cependant le non-sens le plus total demeure dans le titre. Cette version inédite autour de l’ « Enfant Maudit » me paraît insensée. Certainement la fin est surprenante mai invraisemblable. Et ce choix d’interprétation marque bien une différence entre le récit de Jack Throne et les œuvres initiales de J.K Rowling. Si tu n’as pas encore lu le texte, je te conseille de t’arrêter là, car même si je ne citerai aucun nom, je préfère ne pas dévoiler implicitement le dénouement. SI on s’appuie sur le portrait fait de ce protagoniste par J.K Rowling, il est irréaliste qu’un tel être ait pu avoir un enfant. Cet être est dénué d’amour, d’émotion et l’unique once d’amour qu’il pourrait avoir ne serait qu’envers lui-même. Il n’a jamais rien cherché d’autre que l’immortalité et le pouvoir. Je ne pense pas non plus à une procréation à visée intéressée puisque il ne cherchait que la propre survie de son corps dans le temps. Son corps et non son sang. Alors cette perspective me paraît impossible, tout sachant que c’est un personnage uniquement centré sur lui-même.

Par conséquent, cette lecture me laisse perplexe : je suis déchirée entre la joie d’avoir retrouvée un monde magique avec des héros inédits et attachants et un sentiment de déception suite à des personnages initiaux méconnaissables et un dénouement incohérent. Face à cette contradiction s’ajoute la sensation d’une histoire incomplète. Derrière ce texte inanimé et stoïque,  se cache tout en travail de représentation que l’on ignore et qui pourtant doit être majeur dans la réception de cette œuvre.


Harry Potter et l’Enfant est un beau récit d’amitié et de fraternité entre un père et son fils malgré des invraisemblances et une représentation assez spécifique du trio mythique. Ce texte ne demande qu’à être vu sur les planches. 

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