Rien de s'oppose à la nuit

09:26

de Delphine de Vigan


« Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l'écho inlassable des morts, et le retentissement du désastre. Aujourd'hui je sais aussi qu'elle illustre, comme tant d'autres familles, le pouvoir de destruction du verbe, et celui du silence. », Rien ne s’oppose à la nuit, édition Le Livre de Poche

Qui est cette femme, le regard tourné vers un ailleurs, une cigarette coincée entre ses doigts ? Sur un fond autobiographique, Delphine de Vigan se lance un défi douloureux : éclaircir le portrait mystérieux de sa mère, Lucile. Essayer de trouver où le fil s’est coupé, où son âme s’est fracturée et s’est peu à peu enfermée dans ses troubles bipolaires, où ce mécanisme infernal, qui l’a conduite jusqu’au suicide, s’est enclenché.

C’est un avec un grand courage que l’auteur réveille le passé pour dessiner sa vision de la femme qu’elle a connu. Les souvenirs s’échappent de cartons poussiéreux et de photos endormies. Les voix craquent, s’illuminent, hésitent. Chacun rembobine les cassettes de son passé : père, mère, sœur, frère, petits-enfants ; une génération complète plonge dans sa mémoire embrumée.

Rien ne s’oppose à la nuit, est un récit familial. Les souvenirs remontent dès l’enfance de Lucile : une petite fille discrète, silencieuse. Son visage d’ange est placardé sur toutes les publicités parisiennes des années 60. Au milieu de ses 8 frères et sœurs, elle fait figure à part, un halo mystérieux l’entoure. Vacances d’étés. Drames familiaux. Déménagements. Secrets. Ce cycle se répète inlassablement pour la famille Poirier.  Rires et larmes vacillent, et peu à peu Lucile grandit : l’adolescente qui fumait ses cigarettes sur son lit devient une mère qui s’enferme dans sa chambre avec ses joints.

Delphine de Vigan s’attarde plusieurs fois sur ce travail d’écriture intense et troublant : les doutes, les insomnies, la peur de faire basculer l’histoire de Lucile dans la fiction, la peur de décevoir et d’heurter ses proches. Et pourtant « poser les mots » paraît nécessaire, thérapeutique pour l’auteur.

Une famille avec ses peines et ses joies. Une femme avec ses dons et ses démons. Une lourde partie s’attarde sur les failles psychologiques qui peuvent assaillir l’humain. Ici, c’est la bipolarité que combat Lucile : un monstre fourbe et incontrôlable qui perturbera  sa vie et son entourage. 

Delphine de Vigan rend un hommage poignant à sa mère : Lucile, une femme détruite, une femme courageuse, une femme délivrée ! 

★ ★  ★ 
 Gwendoline 

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